Sauvegarder le service public de la voie d’eau !
Dès 2006, l’audit « Copé » portant sur la modernisation des voies navigables, prévoyait, entre autres, l’intégration des Agents de l’Etat dans l’établissement public à caractère industriel et commercial Voies navigables de France (VNF). L’action vigoureuse de la FEETS-FO a réussi à stopper cette disposition. Mais, hélas, provisoirement !Cet audit venait s’ajouter à celui sur les services spécialisés des bases aériennes qui a entraîné la suppression de 2 services sur 3, à celui sur l’ENIM non abouti mais repris par la RGPP avec une délocalisation en compensation de la réorganisation de la carte militaire, à celui sur le RST non publié grâce à la mobilisation de FO mais suite auquel le SETRA a fait l’objet lui aussi d’une décision insensée de délocalisation.
Aujourd’hui la pensée dogmatique de la réduction des effectifs prime sur la qualité et sur les moyens nécessaires au service public de l’aménagement et du développement durable des territoires.
Dans ce contexte, le sujet de la modernisation de la voie d’eau flotte dans les brumes réflexions des hauts responsables de l’administration du MEEDDAT et de Voies navigables de France (VNF).
L’établissement public veut son indépendance totale pour gérer le réseau dans un objectif de rentabilité financière, au risque de dégrader le service public de la voie d’eau. L’Etat, quant à lui, voudrait faire de la voie d’eau un réseau de transport moderne en développant l’intermodalité avec le fer et la route sans y consacrer les moyens nécessaires !
Les premières actions portent sur le transfert des missions régaliennes (la police de l’eau et la police de la navigation, aux DREAL) et leur séparation des missions de gestion et d’exploitation du domaine public fluvial. Ces éléments tendent à privilégier la fonction « transport » au détriment des autres fonctions de la voie d’eau, dénombrées au moins à une vingtaine, désarticulant ainsi les services et leur capacité d’intervention. Ces réflexions cherchent à désengager l’Etat de ses missions d’aménageur du domaine public fluvial.
Le SNITPECT rappelle que la voie d’eau est une composante essentielle de l’aménagement et du développement durable, à la fois pour son rôle dans les politiques de transport, son rôle dans la gestion hydraulique ou pour ses intérêts faunistique et floristique.
L’Etat a déjà commencé l’abandon de certaines de ses missions par le transfert du domaine public des voies non navigables, laissant ainsi encore un peu plus aux collectivités la prise en charge de l’exploitation et de l’entretien de ce patrimoine !
Les collectivités, à bout de souffle en terme de capacité financière car elles doivent déjà assumer les transferts de compétences dans plusieurs autres domaines, refusent d’assurer la responsabilité de l’entretien, de l’exploitation et de la gestion de voies navigables, délaissées par l’Etat depuis plusieurs années. Il n’est plus du tout exclu de supprimer certaines de ces voies d’eau « non navigables » qui ne trouveraient pas preneur !
Nous revendiquons à nouveau que l’Etat ouvre le sujet de l’avenir des missions d’intérêt général portées par les services navigation, et qu’il définisse un réel projet global structurant sur l’ensemble des voies navigables et du domaine public fluvial, prenant en compte la diversité des vocations de la voie d’eau et pas seulement celles qui pourraient être qualifiées de « rentables».
Ce projet doit en particulier intégrer la gestion environnementale des cours d’eau et la préservation de la biodiversité ainsi que la prévention et la gestion des inondations, et par voie de conséquence les missions régaliennes de l’Etat (police de l’eau, police de la navigation, police du domaine, police de la pêche et de la chasse aux gibiers d’eau,…).
Ce projet devra définir les niveaux de service adaptés pour l’exploitation du réseau; niveaux déterminés par le MEEDDAT et non par l’opérateur VNF.
Dans le contexte de la RGPP, VNF tente de montrer que l’Etat n’est plus en mesure de mettre les moyens nécessaires pour assurer ses missions et veut récupérer les 4 400 agents du MEEDDAT pour organiser le service de la voie d’eau comme il l’entend. Ainsi, dans le projet de contrat de « performances » prévu pour la période 2010-2013, VNF étudie avec l’Etat l’amélioration de l’organisation du service public de la voie d’eau et le développement des moyens et ressources de l’EPIC, notamment la mise en place de péages, de redevances domaniales ainsi que le recrutement d’agents sous statut précaire.
De plus, VNF continue à réclamer la pleine propriété du domaine public fluvial, sujet qu’il a su faire inscrire dans la loi programme Grenelle 1.
Enfin, nous dénonçons le recours outrancier au contrat de partenariat public privé (PPP) pour la remise à niveau des ouvrages, la réparation des barrages ou pour la création de nouvelles voies navigables, génératrice d’une externalisation de l’exploitation et de l’entretien conduisant à la privatisation du réseau.
L’entretien et l’exploitation de toutes les voies navigables actuelles et futures doit être assuré par les services et les agents du MEEDDAT.
Ainsi, nous dénonçons, faute d’un réel pilotage affirmé par le MEEDDAT, l’abandon potentiel rapide des missions du service public de la voie d’eau et, qu’en conséquence, un poids surdéterminant soit donné aux logiques économiques dans les décisions de gestion ou d’aménagement de la voie d’eau et du domaine public fluvial.
Le SNITPECT constate à nouveau que seuls des choix politiques d’opportunisme et la recherche d’une rentabilité immédiate et maximale motivent les orientations que voudraient prendre VNF, quelles qu’en soient les conséquences pour la voie d’eau, les agents, les usagers et les citoyens. Cette dérive est accrue avec la mise en place de France Domaine ou de Rhône Saône Développement : le domaine public fluvial ne fera plus l’objet d’une politique nationale d’aménagement ou de valorisation cohérente mais sera géré en fonction d’objectifs d’exploitation et de gains financiers des différents établissements.
La voie d’eau fait partie du patrimoine de l’Etat et contribue à l’aménagement et au développement durable des territoires, nous exigeons par conséquent le maintien de toutes les voies d’eau sous un statut d’Etat.
Nous restons extrêmement vigilants sur les orientations que VNF veut donner à l’organisation des services, en privilégiant le réseau magistral et en délaissant le réseau régional jugé moins rentable financièrement qui pourrait être, lui aussi, abandonné, en complément du réseau déjà transférable.
La voie d’eau comme les autres secteurs d’activité relevant du périmètre d’actions du MEEDDAT doit faire l’objet d’une politique ministérielle ambitieuse pour la valorisation et le développement des compétences collectives techniques de la voie d’eau.
Cela passe par un pilotage effectif de la DGITM et de la DRH avec une synergie entre les services déconcentrés de navigation, les services du réseau scientifique et technique (CETMEF, CETE notamment), les CIFP-RH, en partenariat avec VNF.
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Analyse téléchargeable au format pdf ci-contre à gauche