RIFSEEP : le SNI rétablit la vérité auprès des parlementaires
Depuis le 30 août dernier, le SNITPECT-FO invite chaque ITPE à se rapprocher de son représentant local puis d’interpeller à titre individuel ses parlementaires au sujet de l’escroquerie de l’étalement sur 6 ans des ISS qui lui sont dues en 2021.
De multiples échanges au niveau national et parfois directement en circonscription en ont découlé pour exposer nos revendications en la matière, et nombreux sont les parlementaires à s’être saisis de la question. Les questions écrites qu’ils ont posées au Gouvernement et à Mme Pompili ont reçu en réponse un tissu d’inexactitudes et de mensonges qui ne résistent pas à l’épreuve des faits.
Dans le cadre de cette action qui doit se poursuivre jusqu’au vote de la loi de finances 2022, le SNITPECT-FO te livre ici le fact-check renvoyé aux mêmes parlementaires par ses soins, dont chacun pourra faire bon usage.
- Sur l’application « obligatoire » du décret n°2014-513 instaurant le RIFSEEP
Le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 a instauré un nouveau régime indemnitaire applicable à l’ensemble des fonctionnaires de l’État mis en œuvre progressivement. Le […] RIFSEEP, […] est désormais l’outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités qui existaient dans la fonction publique de l’État […]
Le gouvernement laisse entendre par là que ce serait inéluctable. Or, le fait d’avoir obtenu tout d’abord par une dérogation annuelle de 2017 à 2019, puis une dérogation sans limite de durée, démontre bien que sont application n’a rien d’obligatoire. Cela a été confirmé par le Conseil d’Etat dans son jugement du mois d’avril 2021 donnant droit à la requête du SNITPECT : « aucune disposition réglementaire n’énonce en outre d’échéance à laquelle le RIFSEEP devrait être appliqué au corps des ITPE ».
Aucun texte n’imposant cette décision, elle relève bien d’un choix politique délibéré. Cette trahison de l’engagement pris en 2019 n’est visiblement pas assumée.
- Sur l’objectif de simplification « au bénéfice des agents »
[…] ce afin de simplifier, notamment, la mobilité des fonctionnaires et de faciliter la diversification et l’enrichissement de leur parcours professionnel.[…]
Ce sont bien les termes et les intentions affichées dans le décret de 2014 instaurant l’existence du RIFSEEP. Cependant, les faits l’auront amplement démontré ces dernières années, c’est tout l’inverse qui se produit, et la mobilité est en berne au MTE.
La multiplicité des RIFSEEP (chaque employeur définissant le sien) et le fait d’introduire une variation de rémunération directement en lien avec la mobilité, font que se projeter dans une mobilité devient plus complexe que jamais. Ça c’est la réalité vécue dans les services.
- Sur la complexité qu’induirait le paiement des ISS en année de décalage
La complexité de l’ISS est source de régularisations rétroactives, qui peuvent être préjudiciables aux agents, pour tenir compte des changements de situation (mutations, promotions, etc.). […] Elle peut donc être un frein important à l’entrée dans un de ces corps, à la mobilité entrante, au retour des agents qui ont occupé un poste hors du pôle ministériel et par là même à la reconnaissance des parcours de carrière d’agents alternant des postes entre différents ministères ou auprès de collectivités territoriales. Cette complexité prive le ministère de l’enrichissement des compétences acquises par des agents ayant fait le choix de parcours diversifiés.
Au passage, si les moyens affectés à la chaine de la paye étaient suffisants, il n’y aurait pas nécessité de procéder à des régularisations rétroactives.
Le constat, partagé par le SNITPECT, de la problématique posée par l’année de décalage sur la diversification des parcours, peut être entièrement résorbé par le seul paiement de l’année de décalage des ISS, revendiqué par le SNITPECT depuis la création du régime indemnitaire, à savoir depuis 2003. C’est d’ailleurs bien le seul frein et non la prétendue complexité du système.
Par ailleurs, ce que recouvre le terme « complexité » pour l’administration porte, sans doute, sur tous les dispositifs de bonification d’ISS pour prendre en compte la spécificité de nos parcours. Cette soit disant complexité est aussi ce qui fait l’attractivité du corps sur le plan de sa rémunération.
- Sur l’étalement du paiement de l’année de décalage
Avec la mise en place du RIFSEEP en 2021, l’État assurera le paiement du solde des droits à ISS acquis.[…] Ce dispositif fera l’objet d’un décret dont la publication devrait intervenir avant la fin de l’année 2021. La rédaction de ce décret permettra de surseoir à la prescription quadriennale et d’assurer aux agents le paiement de la dette durant les six prochaines années.
Si un décret peut modifier la période de règlement de la dette ISS, qui normalement devrait être payée intégralement en 2021, dans des conditions déjà très défavorables, un autre décret peut à nouveau intervenir donc. Pour financer la « dette Covid », la prochaine crise, ou la revalorisation promise aux « grands corps » dans les années à venir ?
Il s’agira, dès lors, d’assurer le paiement de ce solde par tranches annuelles sur une période de 6 ans. […] L’étalement sur 6 années vise à limiter l’impact fiscal pour les agents. D’une part, le paiement de cette dette sera, en effet, imposé au taux marginal auquel est soumis chaque agent, et non son taux moyen si le versement était opéré en un seul versement. Un versement échelonné permet de lisser cet effet de seuil.
Du fait de l’inflation, même avec des hypothèses ne prenant pas en compte sa flambée récente, la perte de pouvoir d’achat en résultant est nette, certaine, et conséquente (7 % environ avec une hypothèse basse d’inflation à 2 % par an sur la période, soit 700 à 1700 € au niveau ingénieur en fonction du grade).
L’administration se garde bien de préciser qu’elle n’opèrera aucune revalorisation pour compenser cette perte de pouvoir d’achat..
La mesure serait donc uniquement prise au bénéfice des agents, qui sinon subiraient un impact fiscal.. Sans doute le plus gros mensonge dans tout le texte, car le passage sur la différence entre imposition au taux marginal ou moyen n’ayant tout bonnement aucun sens. Tout cela pour dissimuler que l’administration n’a fait aucune étude d’impact, et que d’impact (fiscal), il n’y en a pas !
Toute rémunération supplémentaire au traitement habituellement perçu, qu’elle soit d’un 1€ ou de 10 000 € est par définition imposée au taux marginal de la tranche de revenus atteinte par chacun. Or la tranche (à 30%) est large (de 25 711 € annuels à 73 516 €) et concerne la quasi totalité des ITPE . Un étalement, à la demande de l’agent sur 4 ans maximum, permettrait de régler les cas de foyers fiscaux subissant un changement de tranche lors d’un paiement en une fois et pas en cas d’étalement.
Une disposition en faveur des plus faibles revenus, dont la catégorie C ? Non seulement fiscalement c’est loin d’être le cas, mas l’étalement sur 6 ans peut sextupler la peine encourue de ne plus bénéficier d’allocations, crédits d’impôts, bourses scolaires,… alloués sous condition de ressources.
En somme tout le monde est perdant et pour les rémunérations les plus faibles, l’étalement peut effacer complètement le « gain » par la perte d’autres ressources sociales.. Une mesure anti-sociale assumée avec cynisme.
- Sur la dette de l’Etat envers les ITPE
La bascule au RIFSEEP raccourcira ainsi, sur l’ensemble de la carrière des agents, les délais de versement de l’indemnitaire : il y a ainsi un impact favorable pour les agents vis-à-vis de l’inflation, puisque l’ensemble de ces sommes seront versées de façon anticipée par rapport à l’ancien régime
Notons déjà que cet argument de prise en compte de l’inflation est absent de la réponse dès qu’il s’agit de l’étalement du paiement de l’année de décalage…
L’argument porte en lui même une belle dose de cynisme, car s’il est théoriquement vrai, il ne concerne finalement que celles et ceux qui auraient subi une « année blanche » en 2021 en entrant dans le corps au cours de l’année. Il présuppose également qu’il n’y aura pas de revalorisations à l’avenir des rémunérations du fait de l’inflation…
Le paiement des ISS en année N amènerait d’ailleurs au même résultat.
- Sur la revalorisation du régime indemnitaire
Par ailleurs, ce passage au RIFSEEP s’accompagnera d’une revalorisation du régime indemnitaire des corps techniques, à hauteur de 8M€, soit 2,78 M€ en 2021 puis 5,22 M€ en 2022.
Ces revalorisations ont été actées en mai 2021, avant l’annonce de projet de bascule au RIFSEEP et sans conditions. Elles ont été obtenues uniquement grâce à la constance des revendications de FO.
Rapportées au nombre de fonctionnaires concernés, ces revalorisations en 2021 sont de l’ordre de grandeur de la hausse du SMIC actée au 1er octobre de cette même année.
De plus, la somme indiquée pour 2022 correspond à un plafond d’autorisation d’engagement et non à une augmentation nette des rémunérations.
- Sur la gratitude que devraient avoir les corps techniques vis à vis de l’attention particulière qui leur est portée
Tous les éléments diffusés depuis sur les conditions de mise en oeuvre démontrent que les corps techniques se passeraient bien de cette « attention particulière ».
Les tickets promotions et la non transposition des bonifications de points d’ISS au cours de la carrière vont à nouveau entrainer, après PPCR, des pertes colossales sur le long terme, pour des niveaux de rémunération déjà fortement rabotés depuis 15 ans.
Pour les informations sur les dispositions spécifiques envisagées par la ministre dans le cadre de la bascule au titre de 2021, tu peux consulter notre FAQ RIFSEEP.