Révision générale des politiques publiques
La révision générale des politiques publiques (RGPP), lancée dès juin, est considérée par le Président de la République, qui en est le seul arbitre, comme une pièce maîtresse de sa politique de rupture. Elle est aussi censée lui permettre de ramener la France dans les critères de Maastricht. Le principe est de « passer au crible les dépenses de l’État à partir d’un questionnement simple » : « Que faisons-nous ? Quels sont les besoins et les attentes collectives ? Faut-il continuer à faire de la sorte ? Qui doit le faire ? Qui doit payer ? Comment faire mieux et moins cher ? Quel doit être le scénario de transformation ? ». Dans les faits, comme on le verra, cela se traduit encore plus simplement par : Que peut-on supprimer ? Que peut-on externaliser ou privatiser ? Que peut-on réduire ou fusionner ?Prolongement et amplification des audits Copé, la méthode consiste à faire auditer un par un les ministères et les politiques publiques par des équipes conjointes d’inspecteurs généraux et de conseillers privés. En pratique, les fonctionnaires de Bercy ont, à côté des grandes entreprises de conseil, un rôle prépondérant. De l’aveu même de hauts fonctionnaires des autres ministères, ceux-ci doivent passer leur temps à justifier de l’intérêt de leurs missions, les sbires du grand argentier se proposant « de supprimer tout ce qu’ils ne comprennent pas » ! Seul le ministère de l’Intérieur semble en mesure de leur disputer leur influence, fort de l’écoute et de l’appui du secrétaire général de l’Elysée, véritable maître d’œuvre de l’opération. Deux fois par mois, il co-préside avec son alter ego de Matignon un comité de suivi auquel les ministres ne sont conviés que pour étudier les sujets de leur ressort.
Les réformes sont ensuite arrêtées par un conseil de la modernisation des politiques publiques qui réunit les ministres autour du président de la République. Une première étape a ainsi été franchie avec la réunion du conseil le 12 décembre. Les conclusions ont été regroupées dans un document disponible sur le site de la RGPP. Le constat est clair : les mesures déjà annoncées à ce stade constituent une offensive générale contre l’organisation de la fonction publique. Si on y ajoute un calendrier à marche forcée, l’impression domine qu’on est en présence d’une guerre éclair visant à abattre l’ennemi avant qu’il n’ait eu le temps de s’organiser.
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La philosophie : l’entreprise Etat
Le texte
– L’Etat partage avec les entreprises des exigences d’efficacité et de qualité de la gestion. Il doit apprendre de leur expérience, notamment dans la modernisation de la GRH et des procédures internes.
Commentaire
– « Recentrer les administrations sur leur cœur de métier, contrôle interne comptable, tel qu’il est organisé par les directions financières des grandes entreprises, performance, gains de productivité » : au fil du document, les termes qui font référence au monde de l’entreprise ne manquent pas. Ce n’est pourtant pas le SNITPECT qui contestera l’exigence d’efficacité ou le besoin de modernisation de la GRH, nous militons depuis trop longtemps dans le vide pour une vraie GPEECC. Mais il ne s’agit pas ici que de cela. Mises bout à bout, ces références montrent en fait que le projet n’est pas seulement de s’inspirer de telle ou telle méthode du privé mais bien de calquer l’organisation de l’Etat sur celle d’une entreprise, voire de transformer de fait les services en autant d’entreprises : on y reviendra plus loin avec les agences de service public.
– Ce qui choque ce n’est pas le souci de réforme ou de modernisation mais bien la philosophie, pour ne pas dire l’idéologie, qui sous-tend la démarche. Elle est d’ailleurs soulignée dès l’abord puisqu’il s’agit bien d’aller vers « un Etat allégé » et géré, partout où c’est possible, avec les mécanismes du marché. « Recentrage sur le cœur de métier, gain de productivité » : ce sont, après tout, les même termes qui sont utilisés dans le privé pour justifier les plans sociaux et leurs cortèges de licenciements. A vrai dire, ce qui choque plus encore, c’est qu’à aucun moment il ne soit rappelé les valeurs et les principes qui fondent la fonction publique.
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Les mouches s’attrapent-elles avec du vinaigre ?
Le texte
– Cette démarche permet aussi de mieux valoriser le travail des fonctionnaires, en adaptant la nature de leurs tâches à l’évolution des besoins des citoyens et en payant mieux des fonctionnaires moins nombreux.
– L’ensemble de ces transformations nécessitera une forte implication de tous les agents publics, et singulièrement des cadres.
Commentaire
– Le gouvernement (l’Elysée…) aurait compris que pour imposer ses réformes, il lui faudrait s’appuyer sur les fonctionnaires ; du moins le feint-il, car il est plutôt à craindre qu’il ne s’agisse que d’une manœuvre pour désarmer leur hostilité. L’argument massue qu’il répète à l’envi est que la réforme permettra de mieux payer les agents. Nous partageons au moins le constat sous-jacent que les fonctionnaires sont insuffisamment payés et que leur pouvoir d’achat s’érode inexorablement. On ne peut donc que s’étonner que le gouvernement refuse toute augmentation du point d’indice. Surtout, nul n’est dupe du marché « emplois contre augmentations » : au final, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne permettra que quelques dizaines d’euros d’augmentation mensuelle par agent. Si on imagine que cela puisse aboutir à des résultats tangibles, c’est bien que l’on envisage des mesures plus drastiques.
– De même, il faudrait se féliciter de l’affirmation que rien ne se fera contre les agents en particulier les cadres. Sauf que, là non plus, les actes ne sont pas en accord avec les discours. Comment ne pas constater le mépris avec lequel sont traités depuis des mois ces derniers et leurs organisations syndicales ? Pourtant, en tous cas pour les ITPE, des mesures concrètes et peu coûteuses suffiraient pour démontrer une réelle considération : ouverture de la négociation globale sur le dossier de l’ISS, aboutissement du statut à 3 grades, pyramidage du corps (avec un taux pro/pro à 12%), note d’orientation sur le positionnement du corps… Autant de revendications sur lesquelles aucune avancée n’a été obtenue en 2007.
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Une administration centrale en peau de chagrin
Le texte
– Le Président de la République a décidé que le nombre de structures d’administration centrale sera divisé par deux. Elles seront réduites et concentrées sur leur rôle : concevoir les politiques publiques et contrôler leur bonne exécution.
– Pour le MEDAD, nouvel organigramme, centré sur les enjeux fondamentaux, qui permet le passage de 35 directions d’administration centrale à 5 grandes directions métier et un secrétariat général.
– La création du MEDAD constitue un big bang administratif et doit donc s’accompagner d’une organisation administrative qui permette de répondre aux priorités définies lors du Grenelle de l’Environnement aux niveaux central et local.
Commentaire
– Passons sur l’oukase présidentiel. Par contre, on ne peut que s’étonner de la méthode. Encore une fois, on décide arbitrairement de réduire les structures, quand ce ne sont pas les effectifs, sans analyse préalable des besoins, des priorités et des missions. Comme toujours, on fait du Meccano avant de se poser les questions de fond.
– On peut pourtant trouver pertinente l’idée de ramener les administrations centrales sur leur rôle premier de conception et de contrôle des politiques. Le SNITPECT n’a pas dit autre chose dans ses écrits (voir en particulier le rapport approuvé au congrès 2007 « pour une refondation des services techniques déconcentrés ») quand il pointait la tendance de l’administration centrale a toujours grossir au détriment des services déconcentrés. Encore faut-il ne pas systématiser à outrance. Dans le domaine d’activité des ITPE, l’aménagement du territoire et le développement durable, il peut être utile de garder des compétences opérationnelles au niveau national, ne serait-ce que pour assurer l’équilibre entre les territoires.
– Admettons-le, avec la création du MEDAD, conserver en l’état l’empilement des administrations centrales n’aurait eu aucun sens car cela n’aurait pas permis de donner de la lisibilité et une vraie capacité de pilotage. Mais, là aussi, force est de constater que la construction de l’édifice s’est faite sans définition préalable de la stratégie ministérielle. Et ne parlons même pas de concertation !…
– Au final, le SNITPECT ne peut que regretter une fois de plus que la gestion des moyens soit dissociée de la définition de la stratégie avec le maintien d’un secrétariat général, qui n’est en fait peu ou prou que l’ex-DGPA/DGA, et d’un commissariat général (l’ex-SG, qui pour le coup n’est pas même évoqué dans la RGPP). On croit deviner que l’invention de ce dernier vise à doter le MEDAD du rôle et de la capacité d’évaluer les politiques publiques à l’aune du développement durable. Si en plus, cela recèle l’intention d’assurer enfin un vrai pilotage transversal des directions de programme, peut-être pourra-t-on considérer qu’il y a là une avancée, encore insuffisante mais intéressante. La meilleure preuve en serait que la totalité du RST élargi (ex-Equipement et ex-Environnement) et l’ingénierie publique lui soient rattachés.
– Pour autant, le SNITPECT continue à dénoncer avec force la mascarade, à seule fin de communication, qui consiste à réduire l’horizon stratégique du MEDAD aux conclusions du Grenelle. Non seulement ces dernières ne constituent qu’un inventaire à la Prévert sans réelle portée opérationnelle pour notre ministère, pour la plupart en tous cas, mais de surcroît, elles laissent des pans entiers de son activité sans stratégie.
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(suite…)
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