Du nouveau sur l’ingénierie de l’Etat…
Vous pouvez télécharger la circulaire du 19 mai 2009 et le rapport rendu par le CGEDD sur l’ingénierie dans les services déconcentrés.Le comité de concertation sur l’ingénierie (CCI) s’est réuni pour la 5ème fois, ce lundi 25 mai 2009. Le secrétariat général, représenté par la chef du service en charge de la prospective et de l’évolution des services (SPES), a ébauché une vision plus prospective qu’à l’accoutumée, sur l’ingénierie au MEEDDAT, en reconnaissant des besoins techniques forts et même croissants dans l’ensemble des champs d’intervention du MEEDDAT.
La réflexion s’appuie sur un rapport qui vient d’être établi, à la demande du secrétaire général du MEEDDAT, par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD). Ce rapport nous a été présenté par leurs auteurs, MM. Lagauterie, Lenoël, Ruelle et Roudier. Sa diffusion est annoncée pour les prochains jours.
Ce rapport a le mérite d’affirmer explicitement et sans réserve que le maintien d’une compétence technique forte dans les services, à toutes les échelles du territoire, est indispensable pour la mise en œuvre des politiques publiques d’aménagement et de développement durables.
Il soutient que, même si la maîtrise d’œuvre et l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour compte de tiers disparaissent sous l’argumentaire du champ de la concurrence – position dogmatique que nous avons largement condamnée, l’ingénierie conserve une place primordiale au sein des nouvelles fonctions des services du MEEDDAT.
Ces fonctions sont définies ainsi : la connaissance des territoires, les fonctions régaliennes et de régulation, la maîtrise d’ouvrage de l’Etat, l’animation et l’impulsion, et les prestations pour compte de tiers prévues par la loi ou par une convention. Le rapport recense aussi les missions principales concernées (110 ont été mises en exergue), tout en prônant une forte transversalité entre les disciplines.
Enfin, il émet des recommandations pour conduire l’évolution des services : prioriser, s’adapter au contexte local, soigner l’articulation entre région et département et avec le RST, équilibrer le « faire » et le « faire faire », s’ouvrir aux autres acteurs, former et accompagner les agents, etc.
Le SNITPECT, au sein de la délégation FO, a rappelé que nous attendions et réclamions depuis longtemps ce travail de définition de l’ingénierie de l’Etat au MEEDDAT, au-delà de la distinction absurde entre ingénierie concurrentielle et non concurrentielle, prétexte fallacieux pour supprimer les effectifs correspondants !
Cependant, deux écueils importants sont à noter. D’abord, le périmètre de l’étude est limité aux services déconcentrés territoriaux, et exclut donc les directions interdépartementales des routes (DIR), les services navigation, les services de l’aviation civile, les services des affaires maritimes, le réseau scientifique et technique (RST)…
Deuxièmement, les rapporteurs considèrent que le terme d’expertise, et même d’expertise active, devient plus approprié que celui d’ingénierie. Ils veulent ainsi traduire l’évolution des postures de l’Etat, de la réalisation de projet vers l’expression de conseils, d’avis, de méthodologies, et d’informations. Le SNITPECT-FO ne conteste pas cette évolution mais le mot d’expertise est bien trop restrictif, et celui d’ingénierie reste tout à fait adapté, on ne change pas les cultures à coups de vocabulaire ! Même si qualifier d’expertise la nouvelle ingénierie au service du développement durable est valorisant dans l’esprit des rapporteurs, le substantif peut semer la confusion dans l’esprit des personnels, surtout quand le rapport Folz-Canepa sur l’avenir des ingénieurs de l’Etat réserve l’expertise aux corps issus de l’école des élites… De même pour le qualificatif « active » ; à croire que toute l’ingénierie qui a participé à l’aménagement du territoire des décennies passées a été inactive !
Le SPES nous a ensuite présenté la circulaire du 19 mai dite « de la nouvelle ingénierie », directement inspirée de ce rapport. Elle est censée aider les services dans la rédaction de leur document de stratégie régional (DSR).
Cette circulaire va dans le bon sens, mais elle arrive trop tardivement et se rajoute au lot de circulaires très peu coordonnées et encore moins opérationnelles (Territorialisation du Grenelle, PRIR, DSR, …) qui accablent les services. Ni coordination ni concertation, puisque cette circulaire comme la plupart des précédentes n’a pas été soumise aux organisations syndicales. Faute de temps paraît-il… Pas de rapprochement non plus avec nos partenaires majeurs comme les collectivités locales ou la société civile, l’administration centrale n’applique pas elle-même les principes qu’elle impose aux services déconcentrés !
Sur le fond, cette circulaire comme le rapport du CGEDD, exclut une part essentielle de l’ingénierie du MEEDDAT. Les routes et les voies navigables, notamment, sont à part entière des éléments du développement durable des territoires et ne doivent pas être cloisonnés. Les exclure est surtout un moyen de préparer le transfert de ces services publics à des opérateurs publics, avant de franchir le pas du privé ! L’Etat découpe ses services par morceaux afin de mieux s’en séparer ! Idem pour le RST : quelle erreur de ne pas conduire son évolution en cohérence avec celle des services déconcentrés, alors qu’il est indispensable au développement de l’expertise et de l’innovation au sein du ministère…
Erreur stratégique également dans cette circulaire, comme dans les précédentes, de ne proposer qu’une liste à la Prévert des différents domaines prioritaires, sans jamais donner les clés de leur décloisonnement vers une vision intégrée du développement durable des territoires. C’est pourtant cette vision intégrée que les services déconcentrés doivent aujourd’hui porter ! Et c’est celle que nous défendons dans l’ensemble des rapports qui ont été adoptés lors de nos différents congrès.
Enfin, le SPES a présenté l’avancement des plans de redéploiement des capacités d’ingénierie en région (PRIR) et la progression du dispositif d’accompagnement des agents. Force est de constater que la disparition des ETP en ingénierie dite concurrentielle et l’arrêt des prises de commandes est beaucoup plus rapide que l’accompagnement et la réorientation des agents !
Il est plus facile de détruire que de reconstruire… L’état des lieux réalisé dans les PRIR montre que le démantèlement est beaucoup plus brutal que ne le voudrait une courbe de « freinage » harmonieuse (-930 ETP entre fin 2007 et fin 2008, -44% d’ETP parmi les catégories A, soit 150 : une année de recrutement d’ITPE !), tandis que les entretiens de réorientation sont seulement en cours de réalisation avec les agents !
C’est le 11 juin 2008 que le conseil de modernisation des politiques publiques a annoncé la fin de l’ingénierie dite concurrentielle, et seulement maintenant que les premiers signes constructifs apparaissent au MEEDDAT. Nous savons tous que pendant ce temps le malaise s’est installé chez les agents et que les DREAL ou les DDI se préparent sans fondement cohérent. Espérons que ces premières lueurs ne soient pas les dernières…
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Vous pouvez télécharger ci-contre à gauche:
– les supports de présentation de la réunion du CCI
– la lettre du secrétaire général du SNITPECT correspondante
– circulaire du 19 mai 2009 et son annexe
– le rapport définitif du CGEDD